Alors que nous dégustions tranquillement une glace au bord du lac, ma fille de 4 ans m'a poussé du coude en demandant: «Maman, le monsieur là, il attend un bébé?» Joignant le geste à la parole, elle pointe du doigt un vieil homme au ventre imposant qui pouvait parfaitement nous entendre. J'ai rougi. J'aurais aimé pouvoir rentrer sous terre. Mais j'ai préféré opter pour une communication ouverte et j'ai répondu: «Non, ma chérie. Seules les femmes peuvent avoir des bébés. Mais tu sais, on peut aussi avoir du ventre quand on aime bien manger...»
Ce faisant, j'ai vite calé ma fille sur ma hanche et j'ai prétexté la plaque de chocolat qui nous attendait à notre place pour prendre la fuite. Heureusement, ma fille s'est montrée coopérative.
Nous nous sommes assises sur nos draps de bain et j'ai essayé d'expliquer à ma fille en quoi ses propos pouvaient être malheureux. Que certaines personnes souffrent d'avoir du ventre. Qu'on peut avoir du ventre parce qu'on est malade. Ou tomber malade parce qu'un a trop mangé et pris du ventre.
J'ai évité à dessein d'utiliser le mot «gros». Je n'ai aucune envie que ma fille de 4 ans subisse déjà l'influence de critères de beauté irréalistes. Elle grandira aussi longtemps que possible dans un monde où tous les gens sont beaux. Qu'ils soient petits, grands, blonds, bruns, maigres ou corpulents. Ma fille, qui est depuis toujours une petite fille sensible, l'a bien compris. «Maman, la prochaine fois que je veux savoir s'il y a un bébé dans le ventre de quelqu'un, je te le demanderai tout bas.»
Notre fille est aussi très directe avec nous, ses parents. Par exemple sur nos choix vestimentaires: «Maman, il y a des fleurs sur ta robe. Ça me plaît, tu es belle», me complimente-t-elle parfois. Mais je n'entends pas que des louanges. «Maman, avec cette jupe, tu ressembles à une vieille dame», m'a-t-elle lancé une fois. Comme je n'étais pas trop sûre de mon coup, j'étais contente d'avoir un avis tranché. Et la jupe a fini au conteneur à vêtements.
